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Adrien Chaltiel : le fonceur

Depuis plus de dix ans, Adrien Chaltiel multiplie les projets associatifs ou entrepreneuriaux. Dernier en date : Eldorado, une plateforme qui accompagne les start-up en quête de financements. Portrait d’un startupper optimiste que rien ne semble pouvoir arrêter.

Octobre 2018

Baskets aux pieds, lunettes de soleil pendues au col de son pull, carrure de rugbyman, regard pétillant. Adrien Chaltiel a tout du startupper type. S’il se consacre aujourd’hui à Eldorado, une plateforme de mise en relation entre entrepreneurs et investisseurs lancée au printemps 2018, ce trentenaire a d’ores et déjà piloté une dizaine de projets en tous genres. « Ce qui le définit avant tout, c’est sa passion pour l’entrepreneuriat », explique Sylvain de Mynck, l’un de ses associés. Fort d’un tempérament de fonceur, le parisien s’investit à 100 % dans chaque nouvelle aventure. Jusqu’à frôler l’hyperactivité. « Je ne suis pas du genre à m’allonger pour regarder une série », confie celui qui semble ne douter de rien. Ni de lui ni de ses ambitions. Un brin présomptueux ?« Je ne me dis jamais ”et si ça ne marche pas?” parce que ça ne sert à rien, explique-t-il avant de nuancer sur un ton sympathique faisant oublier toute suspicion : Je me dis surtout qu’il n’y a pas de problème, que des solutions. »

« Je ne me dis jamais ”et si ça ne marche pas?” parce que ça ne sert à rien. Je me dis surtout qu’il n’y a pas de problème, que des solutions »

« Laisser son empreinte »

Rien ne le prédestinait pourtant à s’inscrire comme un acteur de l’écosystème entrepreneurial tricolore. Et pour cause : adolescent, il rêve de tribunaux et de prétoires. Une fois son baccalauréat en poche, Adrien Chaltiel intègre naturellement la faculté de droit d’Assas et suit un parcours classique. Enfin presque. Bon vivant et d’ores et déjà désireux de piloter projets et équipes, il prend la tête d’une association d’étudiants. « C’était fun, mais pas sérieux, se souvient-il. Pas suffisamment pour laisser son empreinte. » Alors, lorsqu’il tombe sur le portrait de Barack Obama dans les pages du journal Harvard Business Review, il imagine une revue juridique écrite par et pour les étudiants en droit. En 2008, accompagné de quelques amis, il lance Le Petit Juriste.

La référence des facultés de droit

« Au départ, personne ne voulait nous financer », se remémore-t-il. Rapidement, Le Petit Juriste trouve néanmoins son lectorat et gagne la confiance de quelques annonceurs. Les cabinets Freshifields et EY acceptent in fine d’acheter des pages de publicité. Au fur et à mesure des numéros, le journal devient une référence dans les facultés de droit. A la tête d’une aventure humaine qui le passionne, Adrien Chaltiel apprend « l’école de la débrouille » et se détourne de la profession d’avocat. « Je me suis rendu compte que c’était un environnement trop individualiste pour moi », confie celui qui passe le CRFPA, accédant ainsi à l’école de formation du barreau, mais préfère se consacrer à la création d’entreprises. Conscient des difficultés rencontrées par les étudiants pour décrocher un stage — ou, plus tard, un emploi — il imagine une plateforme mettant en relation recruteurs du monde du droit et candidats. Mais plus question de créer une nouvelle association. Avec trois associés et fort du succès du Petit Juriste, il lance sa première société : Carrieres-Juridiques.com

De Carrières-Juridiques.com à Leaders League

« Nous pensions que ça allait cartonner, raconte l’entrepreneur. Mais la réalité s’est avérée bien différente. Nous avons notamment sous-estimé nos concurrents. » Le jeune homme reste toutefois confiant, notamment en sa capacité à s’entourer des bonnes personnes. A juste titre. Surfant sur le réseau du Petit Juriste, Carrieres-Juridiques.com gagne en notoriété, si bien que les quatre fondateurs investissent davantage, décrochent plusieurs contrats annuels et recrutent de nouveaux collaborateurs.

 

Seulement voilà, Adrien Chaltiel sait que le projet ne générera pas des millions d’euros de chiffre d’affaires et probablement aucune innovation majeure. Alors, lorsqu’en 2014, le président du groupe Leaders League — spécialisé dans la presse, les études de marchés et l’organisation de sommets pour les dirigeants d’entreprises — lui propose de racheter Carrieres-Juridiques.com, il accepte et échange les parts de sa société contre celles du groupe, devenant ainsi associé, directeur digital et directeur général adjoint de cette PME regroupant 70 collaborateurs. Il n’a que 27 ans. Deux ans et demi plus tard, après plusieurs conflits avec les associés de la société, il décide de quitter la structure. Un moment difficile. Sans doute le plus délicat de sa carrière. Pas question de parler d’échec pour autant. « J’ai commis des erreurs, mais j’ai beaucoup appris de cet épisode », assure-t-il, précisant avoir profité de cette période pour perfectionner sa connaissance l’écosystème entrepreneurial.  

Le réflexe des start-up

En quittant Leaders League, il sait ce qu’il veut : créer une nouvelle entreprise. Pour ce faire, Adrien Chaltiel écume les espaces de coworking, se passionne pour des initiatives innovantes et cherche l’inspiration. Rapidement, il imagine une nouvelle plateforme visant à accompagner les start-up en quête de financements. Le projet Eldorado prend forme. « Le site permet à toutes les entreprises de trouver rapidement des financements privés ou publics », explique l’entrepreneur, aujourd’hui associé à Thibaut Lacave et Sylvain de Muynck, les fondateurs des Pépites tech, l’annuaire officiel de la French Tech. La finalité : devenir le réflexe des start-up d’une part et des investisseurs d’autre part. « Adrien met tout en oeuvre pour que nous puissions atteindre nos objectifs, assure Sylvain de Muynck. Il ne lâche rien, ce qui ne l’empêche pas de savoir se remettre en question et d’écouter l’avis à la fois des clients et des utilisateurs. »

« Il ne lâche rien, ce qui ne l’empêche pas de savoir se remettre en question et d’écouter l’avis à la fois des clients et des utilisateurs »

Sylvain de Munck, associé d'Eldorado

Bon sens et intuition business

Une aventure humaine et professionnelle qui devrait occuper l’entrepreneur pour quelques années. « Je suis plus un créateur qu’un développeur », explique-t-il toutefois, affirmant se laisser guider par son bon sens et son intuition. Une intuition nourrie par des rencontres, des passions. Mais aussi par ses deux enfants, son « principal loisir » pour qui il sait, le temps d’un moment, faire tomber le masque, poser son smartphone, lâcher la pression et se concentrer sur l’essentiel : vivre. Un retour aux sources nécessaire.

 

Capucine Coquand