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Christian Fleuret (Finaréa) : David contre Goliath

Christian Fleuret n’est pas un homme d’affaires comme les autres. Passionné d’entrepreneuriat, cet expert comptable de profession à l’initiative de plusieurs entreprises, aime transmettre son expérience à la jeune génération. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il crée Finaréa en 2008, une société qui permet aux Français soumis à l’ISF de bénéficier d’une réduction fiscale en contrepartie d’une contribution au financement de petites entreprises. Un projet prévu et encadré par le législateur qui fait néanmoins l'objet d'un redressement fiscal d’une ampleur inédite. Portrait d’un combattant.

C’est une histoire invraisemblable. Depuis bientôt 7 ans, Christian Fleuret mène un combat colossal contre l’administration fiscale. Pour lui, mais aussi et surtout pour ceux qui lui font confiance. Pour que justice soit faite. Et force est de constater qu'il a raison de se battre, car la plupart des décisions rendues par les juges vont dans son sens. L’administration fiscale semble toutefois ne rien vouloir entendre.

Un dispositif prévu et encadré par le législateur

Tout commence en 2011. Le chef d’entreprise est à la tête de Finaréa, une société offrant aux Français soumis à l’ISF la possibilité de financer de petites entreprises en contrepartie d’une réduction d’impôt. Un dispositif prévu et encadré par la loi TEPA de 2007. « Cela faisait 40 ans que je voyais des entreprises disparaître par manque de fonds, explique cet expert-comptable de métier. Alors, lorsque la loi est promulguée, je décide de monter Finaréa, pour venir en aide à ceux qui en ont besoin : des jeunes qui se lancent dans le difficile challenge de la création de leur entreprise et qui à, travers lui, contribuent à créer des emplois. » Le projet fonctionne très vite. Parce qu’il dispose d’une expérience solide et qu’il est reconnu pour son pragmatisme et son sens de l’analyse, Christian Fleuret convainc rapidement plus de 2 000 personnes de participer au projet. Il lève ainsi plus de 60 millions d’euros en trois levées de fonds sur deux ans. Une somme destinée à aider des PME aux quatre coins du pays. Pour ce faire, il fonde trente-quatre holdings animatrices maillant le territoire et ayant vocation à financer et accompagner ces entreprises. Rapidement, une cinquantaine de petites sociétés bénéficie de l’opération qui leur permet de se développer. Les souscripteurs, de leur côté, bénéficient de la réduction d’impôt. Un succès qui interpelle aussi bien les concurrents de Christian Fleuret que l’administration fiscale.

L'affaire en chiffres 

  • 2 000 Français soumis à l'ISF participent au projet Finaréa
  • 60 millions d'euros levés par Finaréa entre 2008 et 2010
  • 1 000 emplois créés au sein des PME financées par Finaréa. 
  • 1 400 souscripteurs sont redressés dès 2012
  • 70 juridictions concernées 
  • 13 juridictions donnent gain de cause au contribuable depuis le début de l'année 2019. 

Une situation incompréhensible

À partir de 2011, quelques souscripteurs sont contrôlés. Fin 2012, l’administration aura notifié un redressement à 1 400 d’entre eux. En cause : la nature de l’activité des sociétés créées par Christian Fleuret. Pourtant, en 2010, puis en 2012, l’ensemble du groupe Finaréa est passé au crible pendant six mois par onze inspecteurs des impôts. Aucune faille n’est soulevée. Les attestations délivrées pour permettre aux souscripteurs de bénéficier de la réduction fiscale ne sont pas remises en cause et aucune amende n’est appliquée. Pourquoi dès lors, l’administration persiste-t-elle à redresser la grande majorité des souscripteurs ? Difficile à comprendre pour Christian Fleuret qui, grâce aux nombreuses décisions de justice qui lui sont favorables, reste aujourd'hui positif. L’homme regrette toutefois les dégâts causés par le comportement du fisc. Un comportement à plusieurs égards abusif qui l’a contraint de geler le financement de nombreuses entreprises dont plusieurs ont d'ores et déjà déposé leur bilan.

« Cela faisait 40 ans que je voyais des entreprises disparaître par manque de fonds. Alors, lorsque la loi TEPA est promulguée, je décide de monter Finaréa, pour venir en aide à ceux qui en ont besoin : des jeunes qui se lancent dans le difficile challenge de la création d'entreprise et qui à travers lui contribuent à créer des emplois. »

Christian Fleuret 

Une envie de liberté

Une situation difficile à vivre pour celui qui n’a rien d’un businessman sans scrupule. « Je suis un patriote », confie ce bon vivant fort en gueule qui, depuis toujours, aspire à faire réussir l'entrepreneuriat tricolore. Pas franchement assidu à l’école, son salut viendra des mathématiques. Une fois son Baccalauréat en poche en 1969, il s’inscrit en faculté de Sciences. Après avoir été exclu en raison d’une note éliminatoire en chimie, il rejoint par hasard une formation en informatique à Dauphine. Il en sortira diplômé d’une maîtrise d’informatique appliquée à la gestion avant d’intégrer IBM. Mais l’homme ne s’y plaît pas. « La hiérarchie, les chefs et sous-chefs… ce n’est pas mon truc, assure-t-il. Je voulais être mon propre patron. » Lucide et pragmatique, il cherche la profession qui lui permettra de mettre à profit ses études de gestion tout en répondant à son envie de liberté. Rapidement, il se tourne vers le métier d’expert-comptable et fonde, à 25 ans seulement, son cabinet : Fleuret & Associés. « Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les chiffres, mais plutôt les entrepreneurs que j’accompagne », note cet audacieux qui aime créer et innover. Il développe alors progressivement des outils informatiques pour faciliter la comptabilité et s’implique de plus en plus dans le quotidien des entreprises qu’il soutient. Au fur et à mesure des années et des sociétés qu’il conseille, l’expert-comptable acquiert des compétences pointues en matière de fiscalité.

Starinvest

En 1994, fort de son expérience, il fonde Starinvest, une société spécialisée dans l’ingénierie financière et fiscale pour le financement des investissements productifs. À partir de 1994, Starinvest accompagne chaque année plus de 2 000 personnes. Ce qui plaît avant tout à l’ancien expert-comptable dans cette nouvelle aventure : la possibilité d’accompagner le développer des projets divers et variés avec les fonds levés. Progressivement, Starinvest s’agrandit et compte une soixantaine de collaborateurs répartis dans différents bureaux en métropole et dans les Dom Tom.

L’outil pour financer les petites entreprises

Désireux de créer, l’entrepreneur continue à imaginer de nouveaux projets. Alors, quand la loi TEPA prévoyant une réduction d’ISF pour ceux qui accepteraient d’investir dans des petites entreprises est votée, il n’hésite pas longtemps : « Je savais que la plupart des clients de Starinvest étaient soumis à cet impôt. En parallèle, je voyais dans mes cabinets depuis de longues années, des entreprises qui peinaient à trouver des financements. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire ». Le projet séduit très largement son réseau. Dès l’année 2008, Christian Fleuret lance le projet Finaréa : « Je pense au départ lever de l’argent auprès d’une quarantaine de personnes. » En 3 ans, il parvient à lever des dizaines de millions d’euros. Un succès inattendu. « Je me dis que ça marche, que j’ai en main l’outil qui manquait en France pour le financement des toutes petites entreprises. L’outil que j’ai appelé de mes vœux tout au long de ma carrière » Rapidement, la société se structure, grandit et recrute quinze salariés et associe ses actionnaires au suivi des entreprises soutenues.

1 400 contentieux : un rouleau compresseur destructeur

Parce qu’il connaît les difficultés liées à la création d’une société, Christian Fleuret le sait : les entrepreneurs ont besoin, au-delà d’un apport financier, d’un suivi et de conseils éclairés. C’est pour cette raison qu’il fait appel de bonne foi au statut de holding animatrice. Pas question pour ces structures de prendre la majorité du capital des PME qu’elles financent. Encore moins de déposséder leurs fondateurs. Mais plutôt de participer activement à leur développement, comme le prévoient les textes en vigueur. Une stratégie efficace. Avec ce schéma, l’entrepreneur lève plus de 60 millions d’euros en l’espace de trois ans. Seulement voilà, à rebours de la logique de la loi TEPA, l’administration fiscale considère que, pour se prévaloir du titre de holding animatrice, celle-ci doit être majoritaire au capital des PME et avoir déjà investi dans des entreprises avant de lever des fonds. Le tout, sans prendre le temps d’identifier les projets les plus prometteurs ni de dialoguer avec les entrepreneurs. Les textes de loi, comme la Cour de Cassation sont pourtant clairs : la holding animatrice doit simplement participer activement à la détermination de la stratégie de l’entreprise.

« Notre génération laisse à nos enfants et petits-enfants une situation bien difficile à plus d’un titre ; il est de notre devoir de les aider en leur transmettant notre expérience, notre énergie et le peu de sagesse que nous avons acquis »

Christian Fleuret

« L'esprit de la loi TEPA n’implique pas du tout de contrôler la PME financée, ni de se substituer à l’entrepreneur, mais bel et bien de participer activement à la détermination de la stratégie et d’accompagner la structure », affirme Christian Fleuret. Le juge de Lyon l'a d'ailleurs récemment confirmé dans le cadre du dossier Finaréa. « C’est pour cela que j’ai fondé des holdings animatrices. Et pas, comme l’administration semble le croire, pour abuser de la législation », poursuit-il. Peu importe. Bercy s'entête et utilise cet argument pour redresser, non pas Finaréa, mais 1 400 souscripteurs ayant bénéficié de la réduction fiscale. Ceux-là même qui ont accepté de répondre au procédé mis en oeuvre par le législateur et risqué de perdre une part non négligeable de leur épargne pour soutenir l’économie française. 1 400 contentieux sont ainsi ouverts à travers le pays, mobilisant plus de soixante-dix juridictions différentes.

« Je suis un combattant »

Une affaire d'envergure qui, depuis 2011, occupe jour et nuit Christian Fleuret. Rapidement, celui-ci recrute cinq personnes à temps plein pour se consacrer à la défense de ses investisseurs. Malgré les demandes de médiation et autres recours amiables intentés, l’administration fiscale campe sur ses positions. « C’est infernal, explique-t-il. Les dossiers n’avancent pas tous à la même vitesse. Nous avons des dizaines et des dizaines d’interlocuteurs différents. » Combatif, opiniâtre et fidèle, l’homme veut que justice soit faite pour tous les souscripteurs. Car les pertes sont lourdes. Seules dix PME continuent d’être accompagnées par Finaréa et son équipe. Sur les 1 000 emplois créés grâce au projet, une centaine existe encore aujourd’hui. Les conséquences économiques sont importantes pour les PME mais aussi pour Finaréa et pour les investisseurs. Pas de quoi décourager l’entrepreneur : « Je suis un combattant. L’injustice me porte et me motive. La quasi-unanimité de mes clients me soutient. » Conforté par de très nombreuses décisions de justice favorables, il espère que Bercy finira par se rendre à l’évidence. Que des élus —  parlementaires, députés, sénateurs... —  informés du dossier, demanderont des comptes à l’administration fiscale. Car l’intérêt moratoire court. Une situation « douloureuse » pour Christian Fleuret, qui ne pourra tourner la page que lorsque l'ensemble des souscripteurs injustement redressés seront remboursés. 

Un acharnement du fisc ?

Une histoire qui illustre la toute puissance de l’administration fiscale. Son incapacité à dialoguer, à s’adapter à une situation donnée. Comment peut-elle s’attaquer frontalement et s'acharner contre un projet dont les contours sont prévus par le législateur et qui, de surcroit, vient en aide aux petites entreprises et permet la création de milliers d’emplois ? Un dossier qui pointe aussi du doigt le manque d’incarnation du fisc. Personne n’est responsable. Les interlocuteurs se suivent et se ressemblent, sans chercher à comprendre. Sans chercher à protéger les petites entreprises, les travailleurs et l'intérêt général au sens large. Scandaleux.

 

➝ Toutes les informations au sujet de l’affaire Finaréa sont disponibles sur le blog https://redressementfinarea.wordpress.com