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Hélène Bourbouloux : La référence

Réputée pour ses compétences, mais aussi pour son franc-parler et son excentricité, Hélène Bourbouloux accompagne et conseille les entreprises en difficulté depuis près de vingt ans. Portrait de l’administratrice judiciaire la plus capée de l’Hexagone.

Difficile de parler de restructuring sans évoquer Hélène Bourbouloux. « C’est la star des administrateurs judiciaires », reconnaissent sans détours les professionnels du droit et de la finance. « Je ne le crois pas, rétorque l’intéressée avec la spontanéité qui la caractérise. J’exerce un métier peu connu, au sein duquel il est facile de se distinguer. » Humilité déconcertante ou fausse modestie ? Ni l’un ni l’autre. La Corrézienne n’a rien à prouver. Véritable figure de proue de la profession, elle accompagne les entreprises en difficulté et intervient dans le cadre de situations particulièrement délicates depuis plus de vingt ans. Des dossiers, comme celui de Pétroplus en 2010, la propulsent régulièrement sur le devant de la scène médiatique. « Le ministre de l’Économie nous contactait directement », se souvient-elle. Pas de quoi impressionner cette femme à poigne passionnée par son activité mêlant des notions juridiques, financières et entrepreneuriales.« Je reste fidèle à mes convictions et au serment que j’ai prêté, assure celle qui codirige une étude composée d’une cinquantaine de professionnels. J’ai choisi ce métier pour être libre. » Son leitmotiv : travail, éthique et bienveillance.

Entre droit et entreprise

Rien ne la prédestinait pourtant à occuper une telle place dans le monde des affaires. En 1992, lorsqu’elle intègre HEC, à défaut savoir quoi faire, elle choisit l’option entrepreneuriat. En parallèle, l’étudiante suit un enseignement juridique à la faculté de Sceaux. Dans le cadre de sa formation, elle apprend les bases du redressement judiciaire et prend conscience du caractère transversal d’une profession à mi-chemin entre l’univers du droit et celui de l’entreprise.

« J’exerce un métier peu connu, au sein duquel il est facile de se distinguer »

« Je voulais commencer à travailler avant de finir mes études, explique-t-elle. Alors j’ai écrit à une étude d’administrateurs qui a rapidement accepté de m’employer. On m’a ensuite proposé de rester. »  Une fois son diplôme en poche, elle fonde sa propre structure – aux côtés de Laurent Bachelier, décédé en 2004 –, avant de lancer l’étude FHB avec deux confrères une dizaine d’années plus tard.

La madone des faillites

Reconnue pour ses compétences techniques et sa capacité à prendre de la hauteur sans céder à la pression, l’administratrice multiplie les missions et intervient dans le cadre judiciaire ou amiable. Fonderie du Poitou, Nexia/Ebrex, BFM…  Au fur et à mesure des dossiers traités – environ 2 000 jusqu’à aujourd’hui –, Hélène Bourbouloux se forge un nom. Jusqu’à faire la une des journaux nationaux. En 2013, Le Monde la surnomme la « madone des faillites », alors qu’elle intervient dans le cadre du sauvetage de FagorBrandt. Le secret de sa popularité ? Un charisme indéniable. Mais aussi et surtout un profil atypique. « La double culture économique et juridique m’a aidée, note-t-elle. Les patrons ont vite considéré qu’en ayant fait HEC, j’étais un peu l’une des leurs. » Loin d’être perçue par ceux qu’elle accompagne comme une redresseuse de torts, la juriste conseille, accompagne, cassant ainsi l’image de l’administrateur, souvent assimilé au liquidateur.

« Je n’ai jamais souffert de cette image », assure-t-elle, reconnaissant toutefois être de temps à autre taquinée par ses copains de promotion au sujet de son orientation professionnelle. Mais très vite, elle accompagne des entreprises connues du grand public comme Jacadis ou Domino Pizza, persuadant ainsi son entourage de l’intérêt de son activité. Le reste lui importe peu. « Je n’ai en réalité pas le temps de me demander comment nous sommes perçus », admet-elle. Il faut dire que l’extravertie Hélène Bourbouloux se « contrefout » de l’opinion. « Ce qui m’intéresse, c’est le résultat. »  Elle reste néanmoins lucide : l’impopularité de la fonction la contraint à davantage « de pédagogie, de transparence » et à avoir « une éthique irréprochable ».

« Je me contrefous de l'opinion. Ce qui m’intéresse, c’est le résultat »

Rythme effréné

Une réalité qui la pousse à faire preuve d’une grande rigueur et l’astreint à un rythme effréné. Jonglant avec les différentes urgences, elle ne compte pas ses heures. « J’ai toujours aimé travailler. C’est pour moi le meilleur moyen d’évacuer le stress », analyse celle qui multiplie les activités. Outre son quotidien de chef d’entreprise et d’administratrice, elle dispense des cours au sein du Master II de droit des entreprises en difficulté à la Sorbonne.

Engagée pour l’évolution et la reconnaissance de son métier, elle est par ailleurs membre du bureau du Conseil national des administrateurs et partie prenante dans un grand nombre d’associations (association pour le retournement des entreprises, association syndicale professionnelle d’administrateur judiciaire, association droit et commerce…).

Dossiers délicats

Et le samedi matin ? Pas question de flâner. Elle lit la presse. Une cadence qui lui convient parfaitement. « Je suis très heureuse », confie celle qui est toutefois confrontée à des situations sensibles et délicates. « Nous sommes parfois amenés à gérer la pression dans le cadre de négociations interminables qui peuvent même se passer la nuit », raconte-t-elle. Plus difficile encore : l’accompagnement d’entrepreneurs sans la moindre protection sociale vers la liquidation de leur structure. « Ce sont des moments pénibles, mais nous essayons d’aider ces hommes et ces femmes à ouvrir un nouveau chapitre dans leur vie, explique-t-elle. Nous sommes attentifs au traitement humain. »

« J’alterne simplicité du quotidien et complexité du job »

S’émerveiller des petites choses

De nature bienveillante, la juriste en est convaincue : « On vit mieux lorsqu’on n’est pas en train d’essayer d’entourlouper son voisin. » Loin de s’accrocher au microcosme de l’élite parisienne, la « madone des faillites » revendique ses racines rurales. Son loisir favori ? S’occuper du poulailler ou des ruches qui jouxtent la vieille ferme qu’elle restaure depuis quinze ans en Corrèze. Un « havre de paix » que cette créative, qui aime s’émerveiller des choses simples, continue de construire chaque année. « J’alterne finalement simplicité du quotidien et complexité du job. » Le bonheur selon Hélène Bourbouloux.

Capucine Coquand