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Lucille Desjonquères : Au coeur des femmes

Avec son activité de chasseuse de tête, celle qui est également la présidente de la branche française du réseau International Women’s Forum, aide les entreprises à respecter leurs obligations en matière de parité et encourage les femmes à valoriser leurs compétences pour enfin trouver une place au sein des instances de gouvernance. Portrait de Lucille Desjonquères, une professionnelle reconnue et engagée.   

Mince, féminine, souriante… L’allure de Lucille Desjonquères ne laisse personne indifférent. Mais si cette chasseuse de têtes marque les esprits, c’est avant tout par sa spontanéité, sa bienveillance et sa chaleur humaine.« C’est une femme solaire ». « Une sacrée nana », assurent ses proches. Il faut dire que cette chef d’entreprise engagée en faveur de la mixité dans les entreprises ne manque pas d’énergie. Outre son activité au sein du cabinet de recrutement fondé avec son mari et au travers duquel elle s’emploie à dénicher les femmes les plus talentueuses, Lucille Desjonquères est par ailleurs la présidente de la branche française du International Women’s Forum (IWF), un réseau mondial qui oeuvre pour une gouvernance paritaire. Déterminée à se faire entendre, elle intervient régulièrement dans les médias.

Son message ? Rappeler que la mixité s’inscrit aujourd’hui comme un enjeu de performance pour les entreprises. Plusieurs études démontrent que les sociétés avec une direction paritaire enregistrent de meilleurs résultats que celles dotées d'un management purement masculin. « Nous ne sommes pas des justiciers, assure-t-elle. Mais des alliés pour les entreprises. » Pas question de revendications agressives. Lucille Desjonquères est une pacifiste. Une femme décomplexée qui n’a pas peur d’agir. Une femme de son temps, décidée à briser préjugés et idées reçues.

« Lorsque les hommes tombent sur le profil de certaines femmes, ils sont très surpris. ils ne soupçonnent pas de tels talents. ​»

Retrouver du sens

Plus jeune pourtant, elle ne s’imagine pas en porte-étendard d’une telle cause. Ni en experte du recrutement. C’est dans l’industrie pharmaceutique, en qualité de directrice marketing, qu’elle fera d’abord carrière. Puis, au début des années 2000, tandis qu’elle prête ponctuellement main forte à Michel Dumont, ー qui deviendra son partenaire à la ville comme à la scène ー  alors à la tête d’un cabinet de chasseur de têtes, Lucille Desjonquères se passionne pour le « côté très humain » du métier et décide de poursuivre dans cette voie.

Une dizaine d’années plus tard, désireux d’innover et d’apporter une offre différente, le couple imagine une nouvelle structure et crée le cabinet Leyders Associates. Au même moment, la loi Copé-Zimmerman est promulguée et impose aux entreprises un quota obligatoire de 40 % du sexe sous-représenté dans les conseils d’administration. « Nous nous sommes dit que nous avions quelque chose à faire, explique celle que le sujet interpelle immédiatement. D’autant plus que les dirigeants nous confiaient leurs difficultés à trouver des femmes avec des profils adaptés à leurs besoins.» Rapidement, Lucille Desjonquères se met en quête des professionnelles les plus talentueuses du pays. Une révélation.

Femmes au coeur des conseils

Département intégré au sein du cabinet Leyders Associate, le projet Femmes au coeur des conseils aide les entreprises à respecter les mesures fixées par la loi Copé-Zimmerman (qui contraint les sociétés cotées, ou celles non cotées qui comptent plus de 500 salariés permanents et un chiffre d’affaires supérieur à 50M€, à intégrer 40% du sexe sous-représenté dans leur conseil d'administration), en leur présentant une sélection de femmes françaises et internationales triées sur le volet, immédiatement disponibles.

Femmes au coeur des conseil s’est entouré d'experts de la gouvernance pour évaluer les conseils d’administration en vertu du code Afep/Medef.

La référence en matière de parité

« J’ai pris conscience que les femmes manquent de confiance en elles, même lorsqu’elles occupent des postes à responsabilité et qu’elles gèrent leur vie familiale en parallèle.» La chasseuse de têtes décide alors de fonder le projet « Femmes au coeur des conseils ». L’objectif ? Être l’agent de ces femmes. Les aider à valoriser à la fois leur savoir-faire et leur savoir-être. Et pour les entreprises ? Lucille Desjonquères se pose comme un « facilitateur ». « Elle les aide à intégrer dans leur conseil d’administration, des femmes capables d’apporter une ouverture, une complémentarité et un regard différent », note Sandra Esquiva-Hesse, avocate et vice-présidente de IWF France

Plus qu’une activité professionnelle, valoriser les femmes devient un engagement de tous les jours pour Lucille Desjonquères. « Elle s’est lancée dans le projet avec un enthousiasme fou », confirme Alain Clot, un ami de longue date, témoin du lancement de « Femmes aux coeur des conseils ». Reconnue pour son influence, celle qui s’impose progressivement comme une référence en matière de parité est repérée par le International Women’s Forum qui, en 2016, cherche à s’implanter en France. Soutenue par un grand nombre de femmes, elle devient présidente d’IWF France et intègre activement le réseau qui compte 7 000 membres à travers les sept continents.*

Former les futures administratrices

Malgré les efforts et la force de persuasion de Lucille Desjonquères, les conseils d’administration restent encore largement composés d’hommes.  Peu d'entreprises ーau delà des sociétés cotées en bourses ー acceptent d'engager des actions concrètes pour féminiser leurs instances de gouvernance. À la fin de l’année 2017, aucune des sanctions prévues par la loi Copé-Zimmerman n’a été appliquée. Une période difficile. « Je me suis demandée si je ne m’étais pas attaquée à un combat trop lourd à porter », s’interroge-t-elle avec modestie. Mais cette femme au caractère bien trempé n’est pas du genre à baisser les bras.

Elle en est convaincue : ce qui compte n’est pas le but à atteindre, mais les chemins employés pour y parvenir. Elle imagine alors une formation destinée à former les futures administratrices de sociétés en partenariat avec Kedge Business School. Au programme : une évaluation complète en amont et en aval du programme, des modules de savoir-être et de savoir-faire, des simulations de conseil d'administration, du media training, du coaching personnalisé... Une formation certifiante et diplômante ー dispensée à Bordeaux, Marseille et Paris ー qui a vocation à aider les entreprises à féminiser leur direction et à prendre des mandats d'administratrice dans les filiales ou ailleurs. Cette dernière  compte d’ores et déjà un nombre important de participants. Une victoire pour Lucille Desjonquères, fière de cette avancée.

« Elle n’a aucune barrière mentale. Aucune limite. Pour elle, tout est possible. »

Michel Dumont, co-fondateur de Leyders Associates. 

Identifier les freins

Prochain challenge ? Aider de plus en plus de femmes à accéder à des mandats d’administratrice en France et en Europe. Pousser les entreprises à féminiser davantage leur comités exécutifs. Mais aussi, et surtout : continuer  son travail de lobbying. L’été prochain , elle devrait d’ailleurs réunir, grâce à la puissance du réseau IWF, 500 P-DG à l’occasion des Assises de la parité. « Le sujet attire généralement peu les hommes, regrette-t-elle. Nous voulons remplir la salle de dirigeants car c’est ensemble que nous devons faire avancer les choses. » Le but : créer des interactions franches entre le public masculin et féminin, identifier les peurs puis lever les freins afin de mettre en lumière la performance apportée par la parité. Les chefs d’entreprises qui, à l’issue de l'événement, accepteront de s’engager, se verront attribuer une marraine membre du réseau IWF.« Nous leur donnerons rendez-vous un an plus tard pour constater les progrès mis en oeuvre », explique Lucille Desjonquères qui, mieux que personne, sait que les bonnes volontés ne se traduisent pas systématique en actions concrètes.

Faire preuve d’audace

« Nous devons changer le “mind set” des hommes, insiste-t-elle avec force. Lorsqu’ils tombent sur le profil de femmes capées, ils sont très surpris. La stupeur se lit sur leurs traits car ils ne soupçonnent pas de tels talents. » Si les mentalités évoluent, la progression est encore lente. Mais Lucille Desjonquères est optimiste. « Elle n’a aucune barrière mentale. Aucune limite, assure Michel Dumont. Pour elle, tout est possible. »

Le combat qu’elle porte s’avère pourtant particulièrement difficile, voire même parfois « ingrat », estime Sandra Esquiva-Hesse. Peu importe. Il en faudra plus pour décourager celle qui a bien l’intention de remporter la bataille de la parité. De continuer à encourager les femmes à faire preuve d’audace et à oser se frotter à l’inconnu. Pas parce que c’est son métier, mais parce qu’elle aime échanger, tisser des liens entre les uns et les autres. Riche d’un carnet d’adresse bien rempli, Lucille Desjonquères n’en est pas moins une femme simple pour qui le bonheur réside dans le moment présent. Une mère de famille proche de sa tribu et de ses amis. Une amoureuse de la lecture et de la  nature qui, pour décompresser, part marcher en forêt, seule avec ses deux chiens. Un équilibre bien rodé.

 

Capucine Coquand

 

*Après un démarrage réussi à Paris, le réseau IWF France s’est étendu à Lyon sous la présidence de Valérie Poinsot, directrice générale des laboratoires Boiron et devrait ouvrir un nouveau chapitre à Strasbourg et Lille au début de l’année 2019.

Fun facts

  • Sa passion ? Sa famille et ses deux chiens, les « autres amours de sa vie », selon son mari.

  • Son premier engagement associatif et bénévole ? L’organisation d’événements à destination des célibataires de son réseau au début des années 2000.

  • Son secret pour relâcher la pression au quotidien ? La méditation et la musique classique.

Crédit photo : @StephanServant