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Mahasti Razavi : La bienveillante

C’est à Mahasti Razavi que les vingt-neuf associés du cabinet d’avocats August Debouzy ont choisi, à la fin de l’année 2017, de confier les rênes de la maison. Outre sa rigueur et son sens du business, la nouvelle managing partner est réputée pour sa joie de vivre et son sens de l’humour. Portrait d’une optimiste.

Difficile de lui trouver des défauts. « Mahasti Razavi est solaire »« elle est très délicate »« je suis toujours impressionnée par son calme »« elle est très rassurante »« son sens de l’humour et son ouverture d’esprit en font une personne à part », rapportent ceux qui la côtoient au quotidien. Élégante, courtoise, drôle, la nouvelle managing partner du cabinet August Debouzy semble faire l’unanimité. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière cette femme pétillante à la joie de vivre communicative, se cache une avocate chevronnée. Réputée pour sa rigueur et son analyse affûtée, notamment dans le secteur des nouvelles technologies, cette businesswoman de 45 ans s’inscrit aujourd’hui comme l’une des professionnelles les plus compétentes de sa génération.

« Ma nature n’est pas dans la rupture »

Son carburant ? « L’envie. Cela vaut tout l’or du monde », assure celle qui exerce depuis vingt ans au sein de l’une des firmes françaises indépendante les plus prestigieuses du pays. Mahasti Razavi n’a pourtant jamais eu ni plan de carrière ni ambition démesurée. Elle aspire simplement à être heureuse. « J’ai été plusieurs fois sollicitée par la concurrence, mais pourquoi quitterais-je August Debouzy ? J’ai tellement de plaisir à travailler ici », confie-t-elle. Désormais à la tête de cette maison et de ses 130 avocats, elle signe un parcours sans faute. Rien ne prédestinait toutefois cette Franco-Iranienne, arrivée en France à l’âge de 10 ans après avoir fui son pays natal, à une telle sucess story.

Le sens du métier

Adolescente, elle n’aspire pas à porter la robe ni à conseiller des multinationales. « Je rêvais d’être médecin », confie-t-elle avec simplicité. C’est « par hasard » qu’elle entreprend finalement des études de droit à la faculté d’Assas à Paris. Loin d’être passionnée par les enseignements dispensés, la jeune Iranienne s’ennuie. C’est lors d’un stage chez Shearman & Sterling, qu’elle comprend le sens du métier d’avocat. « J’ai réalisé que le droit était un outil pour trouver des solutions », note celle qui a toujours ressenti un profond besoin de venir en aide aux autres. Il n’en fallait pas plus pour la persuader de poursuivre dans cette voie. Après un DEA de droit des affaires, l’étudiante traverse l’Atlantique et s’inscrit au LLM de NYU. Une fois diplômée, Mahasti Razavi intègre un cabinet « de petite taille », à New York. Pas totalement conquise par son aventure américaine, elle rejoint finalement l’Hexagone à la fin des années 1990.

L'équipe au complet à la sortie de la remise de prix au Pavillon d'Armenonville, lors des Trophées du droit, en 2014.

Un cabinet singulier

Très vite, elle entend parler d’un nouveau cabinet doté d’un esprit particulier, avec à sa tête deux avocats encore inconnus : Gilles August et Olivier Debouzy. Intriguée, elle décide de les contacter. « J’ai rencontré des gens qui courent partout », se souvient-elle, le sourire aux lèvres. Le début d’une grande aventure ? Pas encore. Si la jeune femme est séduite par l’ambiance qui règne chez August Debouzy, elle accepte toutefois l’offre d’une autre firme plus classique, plus ordonnée. C’était sans compter la ténacité de Gilles August, alors jeune avocat. « Tu te trompes », lui assure-t-il. Consciente de la singularité de l’établissement et de ses fondateurs, elle accepte de les rencontrer une seconde fois. « En faisant le tour des lieux, j’ai découvert des gens qui avaient l’air de s’amuser, qui faisaient un métier sérieux sans se prendre au sérieux, raconte celle qui se projette très vite dans cette atmosphère de travail à la fois dynamique et joyeuse. À la fin de la visite, Gilles me dit : "Alors, tu commences quand ?" » Impossible pour l’audacieuse Mahasti Razavi de passer à côté de l’aventure.

« J’ai été plusieurs fois sollicitée par la concurrence,
mais pourquoi quitterais-je August Debouzy ?
J’ai tellement de plaisir à travailler ici »

Businesspartner

Très vite, elle comprend le mot d’ordre de la maison August Debouzy : « Débrouille-toi ». « Cela m’a réussi, affirme-t-elle. C’est parfois stressant, mais cela donne envie de se dépasser, d’aller de l’avant. » Quelques mois seulement après son arrivée, les associés lui confient des dossiers d’envergure. Elle aborde des problématiques liées aux nouvelles technologies et gère la transition numérique de plusieurs grands groupes.

Elle devient notamment l’avocate de Microsoft. Sans doute l’un des clients les plus importants de sa carrière. Pendant deux ans, elle passera trois jours par semaine en détachement dans les locaux de la multinationale. 

Mahasti Razavi et Marc Mossé, senior directeur des affaires publiques et juridiques chez Microsoft Europe, l'un de ses plus anciens client au sein du cabinet, qui a également exercé chez August Debouzy.

« Cet épisode a totalement transformé ma vision du droit. J’ai pris conscience que les entreprises pour lesquelles nous travaillons ont déjà de très bons juristes en interne », explique-t-elle, revendiquant aujourd’hui un rôle de véritable businesspartner. Sa valeur ajoutée ? Une capacité à prendre de la hauteur, à comprendre le marché sur lequel ses clients évoluent. « Les avocats ne doivent pas rester dans leur tour d’argent », estime-t-elle. Aujourd’hui encore, elle demande à chacun des membres de son équipe de s’immerger dans le monde de l’entreprise le temps d’une mission. Une condition sine qua non à laquelle ils semblent se plier volontiers.

Incontournable

« Mahasti Razavi sait s’entourer de personnes très compétentes », note l’un de ses clients. Si certains, dans la profession, ont parfois du mal à déléguer leur charge de travail, chez August Debouzy, la confiance est un principe fondateur, structurant. « Chacun a appris à se reposer sur quelqu’un d’autre », confirme-t-elle. Une philosophie qui ne l’empêche pas d’être une professionnelle rigoureuse. Exigeante, l’avocate qui a la réputation de « réfléchir extrêmement rapidement », parvient à nouer des relations de confiance fortes et durables avec ses clients. Comment ? En restant à leur écoute et en s’appropriant « les spécificités de chacun »« Elle est très disponible,témoigne Marc Mossé, senior directeur des affaires publiques et juridiques chez Microsoft Europe. Elle a le sens du service et du client. » Au fur et à mesure des dossiers et à force de travail, la Franco-Irannienne devient l’une des figures incontournables d’August Debouzy. Jusqu’à devenir officiellement associée en 2006. Une nomination méritée. « J’ai bombé le torse pendant soixante-douze heures », reconnaît non sans une pointe d’humour, celle qui semble ne jamais avoir pris la grosse tête.

La consécration

Dix ans plus tard, c’est sans hésiter que les vingt-huit associés lui confient les rênes du cabinet. Le 1er janvier, elle est officiellement nommée managing partner, succédant ainsi à Emmanuelle Barbara. « C’est la consécration après vingt ans d’investissement et d’amour pour cette maison », explique la nouvelle maîtresse des lieux. Pas question pour l’avocate de rompre avec la dynamique insufflée par ses prédécesseurs. « Ma nature n’est pas dans la rupture », confie celle qui souhaite néanmoins mener de nouveaux projets. Son ambition : valoriser les différentes personnalités du cabinet et renforcer les liens entre associés, « pour qu’ils puissent s’inscrire dans l’August Debouzy de demain ». Car elle en est consciente : si la réussite de la firme est aujourd’hui indéniable, celle-ci doit dorénavant s’inscrire de manière pérenne dans le paysage juridique français et international. « Nous devons créer une marque qui nous dépassera tous », assure-t-elle. Un projet ambitieux mais réalisable pour Mahasti Razavi, l’avocate à qui rien ne semble résister.

  • Son loisir ? S’occuper des siens.
     
  • Elle a hérité sa joie de vivre de sa mère, une femme « joyeuse et positive ».
     
  • Ce qu’elle déteste par-dessus tout ? Les process et les normes.

Capucine Coquand 

Portrait paru dans le Magazine Décideurs